Boutiques de musée·Réflexions transverses·Stratégie de marque

Communiquer pour vendre mieux : la stratégie de différenciation des musées en région

Par Nicolas Galiana, responsable de la boutique du musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse, et Mathilde Gautier, auteur de la thèse « Entre commerce et culture : les librairies-boutiques des musées d’art en Europe. Approche socio-économique du commerce culturel. »

A quoi sert une boutique de musée ? A générer des revenus supplémentaires pour le musée, bien sûr. Mais une boutique permet aussi aux visiteurs de s’approprier leur visite et d’être désormais un puissant vecteur de communication pour exister face à une offre culturelle toujours croissante. C’est ainsi qu’une boutique, comme celle du musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse, peut participer à la stratégie d’image d’un site dédié à l’art et à la culture.

En France, on compte plus de 1 200 musées dont 35 musées nationaux qui ont engendré une fréquentation de 27 millions de visiteurs en 2011. Les plus importants musées parisiens concentrent à eux seuls la plupart de l’attention des médias. Leur fréquentation souvent à six chiffres justifie cet intérêt. Toutefois, que deviennent les autres  musées  qui n’ont ni les mêmes moyens ni la même visibilité ? Pour eux qui  offrent une part non négligeable de l’offre culturelle en France, une stratégie de différenciation s’impose. C’est le cas du musée Saint-Raymond, musée des Antiquités de Toulouse, qui accueille entre 50 000 et 60 000 visiteurs par an. Malgré une fréquentation en légère baisse, sa visibilité s’est renforcée et le chiffre d’affaires de la boutique a enregistré une hausse de 17% en 2012 par rapport à 2011.

Entre commerce et communication

Le musée Saint Raymond a choisi, notamment par le biais de sa boutique, de communiquer  pour accroître sa notoriété et fidéliser ses visiteurs. Cela implique par conséquent une stratégie basée davantage sur la qualité, la petite quantité et l’innovation en termes de produits vendus à la boutique. En effet, imaginer vendre en masse des amphores en plastique fabriquées en Chine (pour marger, bien sûr…) semble plus qu’utopique ! Tout cela nuirait au contraire à l’image du musée. Une boutique de musée peut en effet, au-delà de sa fonction purement économique, contribuer à communiquer sur le musée et à valoriser ses collections.

Contrairement aux musées nationaux qui concèdent leurs boutiques à la Réunion des Musées nationaux, la boutique du MSR est gérée en régie directe par une équipe composée de deux personnes en charge de la gestion et de la création et de cinq personnes en poste à l’accueil-billetterie du musée chargés également de la vente. Le budget alloué à la boutique est décidé lors des débats d’orientation budgétaires organisés en interne au musée.

Les produits présentés en boutique sont tous en lien avec la thématique gauloise et romaine du musée. L’objectif principal est clair : un visiteur doit trouver à la boutique du MSR un produit original, pédagogique et à son juste prix (le panier moyen s’élève à 2,63 euros en 2012). Cet objectif permet à la fois de renforcer l’image de marque « Boutique du MSR » et de fidéliser les visiteurs, assurés de trouver à la boutique du MSR un produit culturel original.

Maîtrise des coûts et production en interne

L’offre de la boutique se compose à la fois de produits dérivés génériques et de créations spécifiques du musée Saint-Raymond. Pour des raisons de maîtrise des coûts et de gestion des stocks, la boutique travaille principalement avec de petites entreprises ou des artisans. Elle développe et crée ses propres produits dérivés, qui répondent aux exigences de l’équipe scientifique du musée et aux attentes des visiteurs. Ce travail en interne permet de proposer des produits aux aspects ludiques et éducatifs, qui deviennent de véritables vecteurs de communication pour le musée.

Ainsi, lors de la préparation de la boutique de l’exposition « Brut de fouilles ! Toulouse-Niel » en 2012, la boutique recherchait un kit destiné aux enfants permettant de découvrir le métier d’archéologue. Après de vaines recherches, force est de constater que ce produit n’existe pas. L’équipe du musée a donc pris la décision de concevoir elle-même ce kit. Le Kit du petit archéologue est né du travail commun de toute l’équipe du musée, depuis l’idée du produit jusqu’au montage du kit. Contenu scientifique, recherche des emballages et des objets inclus dans le kit, graphisme du packaging…toutes les étapes de la création d’un produit dérivé ont été gérées en interne avec un souci permanent de maîtrise du coût de revient et du calcul de la marge commerciale. Ce kit permet de percer le mystère d’un site de fouilles : au fil des activités l’enfant découvre les métiers de l’archéologie (Le topographe, le céramologue, le restaurateur, le numismate) et récolte les indices de l’enquête. Le kit comprend un livret d’activités et des objets à conserver (livres, amphore, reproduction de monnaies, mosaïque…).

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Animation de la communauté sur les réseaux sociaux

La boutique s’ouvre aussi au numérique et au web 2.0. Au-delà de la simple boutique en ligne disponible sur le site internet du musée depuis déjà 4 ans, la boutique a sa propre page Facebook. La création de cette page Facebook s’inscrit dans un contexte de développement du numérique fort à la Ville de Toulouse ainsi qu’au musée Saint-Raymond qui anime déjà deux pages Facebook et un compte Twitter. Les objectifs sont multiples : faire connaître la boutique, les produits et le métier. Mais il s’agit aussi de relayer l’actualité des boutiques de musées et de favoriser le partage avec d’autres professionnels du secteur. Une page Facebook permet de s’éloigner de l’aspect purement commercial d’une boutique en ligne et de créer une communauté autour de la boutique du MSR. De plus, le fait d’être présent sur les réseaux communautaires permet de « dépoussiérer » l’Antiquité et l’image du musée.

Un partage d’expériences

La boutique du MSR mène une politique de partenariats dans le but de partager son expérience du métier de gestionnaire de boutique de musées. Des échanges de bonnes pratiques avec d’autres boutiques de musées, celles du British Museum de Londres ou du musée d’Aquitaine de Bordeaux, ont permis de tisser des liens entre professionnels de ce secteur, souvent peu amenés à se rencontrer.

Ainsi, face aux géants parisiens qui privilégient l’offre touristique, une tendance se dessine dans certains musées en France, comme l’illustre l’exemple du musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse, et de sa boutique. Soutenu par la Ville de Toulouse, le musée et sa boutique ont fait le choix du partage, de la qualité et de la pédagogie pour améliorer la visibilité du lieu y compris sur les réseaux sociaux.

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